Continuité éducative

Continuité éducative
L'Association Nationale des Directeurs et des Cadres de l’Éducation des Villes et des Collectivités Territoriales (ANDEV) publie une tribune qui appelle à ne pas confondre continuité éducative et continuité scolaire, et à penser l'après avec l’ensemble des acteurs éducatifs dans chaque territoire pour plus de justice sociale, éducative et territoriale.

Télécharger la tribune de l'ANDEV

En période de crise sanitaire grave et inédite dans notre histoire contemporaine commune, continuité éducative ne rime pas avec continuité scolaire.

Dans quelle mesure la continuité éducative doit-elle être aujourd’hui une des priorités de la Nation ?

Avant même la question des apprentissages scolaires, de l’équipement numérique des foyers, l’urgence est d’accompagner les familles les plus fragiles dans une réponse concrète à leurs besoins fondamentaux de sécurité : se nourrir (à l’heure de l’interruption brutale des dispositifs d’aide alimentaire), garantir la sécurité morale et affective de leurs enfants dans un contexte particulièrement anxiogène, voir angoissant d’enfermement, pour certains dans des appartements étroits, la chambre exiguë d’un hôtel social, conjugué parfois avec l’arrêt des prises en charge d’enfants ou de parents handicapés….

L’enjeu sanitaire est de rompre l’isolement et maintenir le lien social avec toutes les familles, plus encore celles accompagnées par la Protection de l’Enfance, de soutenir le lien engagé dans le cadre des Programmes de Réussite Éducative et par les services sociaux municipaux pour garantir la sécurité physique, affective et psychique de tous les enfants et de tous les jeunes … En ce sens, l’accueil des enfants des professionnels de la Protection de l’Enfance, au même titre que ceux du personnel soignant est essentiel…

Le climat est inquiétant pour tous, adultes comme enfants. Face à cette pandémie qui nous dépasse, les adultes n’ont pas toutes les réponses, pour atténuer les inquiétudes des plus-jeunes. Des temps et des espaces doivent et devront se créer pour accueillir la parole du mal-être et des angoisses…

A la question posée : Comment organiser la continuité scolaire, sans que chaque famille bénéficie de l’équipement numérique nécessaire ? Les collectivités locales sont en première ligne sur cette question sans pouvoir garantir, avec l’Etat, l’accompagnement nécessaire des familles. Des réseaux solidaires parfois s’organisent au niveau des parents pour l’impression de documents… Les enseignants eux-mêmes sont contraints de maintenir, dans la précipitation, la relation avec leurs élèves avec leur matériel personnel, situation génératrice d’inégalités dans les ressources mises à disposition…

Cette situation inédite est un incroyable révélateur des inégalités territoriales et sociales face au service public d’éducation : Inégalités numériques pour l’accès aux ressources, inégalités des enfants et des jeunes eux-mêmes face aux connaissances mises à leur disposition, sans la médiation de l’enseignant, inégalités des parents dans leurs capacités à faire et à accompagner les apprentissages de leurs enfants, inégalités territoriales entre milieu rural et urbain, ….

Et les familles subissent alors une forte pression, qui vient s’ajouter au contexte de pandémie internationale : faire l’école à la maison, en étant parent et « professeur », en jonglant la fois avec son travail, la culpabilité de ne pas en faire assez, l’anxiété des impacts personnels et familiaux de la sortie de crise…

Au-delà de la continuité des apprentissages scolaires, dématérialisée, rien ne pourra remplacer la relation et l’interaction nécessaire entre l’enfant et l’adulte… Soyons vigilants à conforter le rôle des acteurs éducatifs, à soutenir les liens entre enfants, à ouvrir des espaces de partage sur cette expérience de vie singulière et collective, aujourd’hui à travers les initiatives de partage,… Et demain, une fois de retour à l’école, au collège et au lycée, dans les accueils de loisirs et les espaces jeunesse en laissant la parole se libérer sur cette expérience de vie inédite.

A l’issue de cette crise, l’ensemble des acteurs éducatifs d’un territoire auront à accompagner tous les enfants et les jeunes, il ne sera pas temps alors de mesurer le retard pris, mais sereinement de retrouver le cours de la vie, de retrouver le plaisir d’être ensemble, le goût d’apprendre ensemble et de renforcer les solidarités déclenchées pour plus de justice sociale, éducative et territoriale...